Lors du rachat de l’application de messagerie instantanée WhatsApp par Facebook, le célèbre fonds d’investissement Sequoia Capital déclara : “Incredibly, the number of daily active users of WhatsApp (compared to those who log in every month) has climbed to 72%. In contrast the industry standard is between 10% and 20%, and only a handful of companies top 50%”.
Standard DAU/MAU is 10%-20%. Only a handful of companies top 50% @WhatsApp leads industry w/ stunning 70%+ engagement http://t.co/TPm1iaj775
— Sequoia Capital (@sequoia) February 20, 2014
Ce ratio entre visiteurs quotidiens (DAU : Daily Active Users) et visiteurs mensuels (MAU : Monthly Active Users) est une métrique essentielle pour évaluer la capacité d’un service numérique (site web, jeu, application Facebook, application mobile/tablette) à créer de l’engagement (stickyness) au sein de sa communauté d’utilisateurs.
Historiquement, Facebook a réussi l’exploit de maintenir son ratio DAU/MAU à plus de 50% que le réseau social ait 70.000 utilisateurs (mars 2004), 2 million d’utilisateurs (cf proposition commerciale publicitaire de 2005) ou à plus d’un milliard (64% au 3ème trimestre 2014). Les jeux très addictifs de King, comme Candy Crush, ont eux des ratios proches de 30%. Pour leurs utilisateurs, ces 2 deux services ont une capacité à s’ancrer dans leur vie et à leur faire développer des usages quotidiens.
DAU/MAU de Facebook & King depuis 2012
Source : rapports financiers
Qu’en est-il en France pour les sites web et les applications ?
D’après les données de Médiamétrie Internet Fixe, les portails généralistes ont un DAU/MAU moyen de 26% mais ce ratio tombe à 16% pour les agrégateurs d’information, 11% pour les grands acteurs de la vidéo et de l’ecommerce, 9% pour les marques de presse nationale et 7% pour les principaux pure players.
DAU/MAU des principaux sites web en France, septembre 2014
Type de sites | DAU/MAU Moyenne & fourchette | Composition de l’échantillon |
Portail | 26,1% [19-40%] | Google, Facebook, MSN, Orange, SFR, Yahoo! |
Agrégateur de news | 16,3% [13-20%] | Google News, MSN Actualités, Orange News, Yahoo! news |
Vidéo | 10,9% [7-16%] | Allocine, Dailymotion, France Televisions, myTF1, VideoLan, YouTube, |
Ecommerce | 10,5% [7-19%] | Amazon, eBay, Cdiscount, FNAC, Leboncoin, Priceminister |
Presse nationale | 8,9% [6-12%] | Le Figaro, Le Monde, Le Point, L’Express, Le Parisien, Libération, L’Obs, Metronews, 20 Minutes |
Pureplayers web | 6,7% [6-8%] | auFéminin, commentcamarche, Doctissimo, Linternaute, Marmiton, Overblog |
Source : Médiamétrie, mesure Internet fixe
Les applications mobiles/tablettes des marques médias semblent avoir des performances nettement plus élevées que les ratios DAU/MAU des sites web.
En compilant les données publiques des applications publiées par l’OJD de 22 marques médias (septembre 2014), nous constatons que le ratio moyen DAU/MAU de leurs applications mobiles /tablettes atteint près de 30% (29,5%), soit 3 fois plus que leurs sites web (9,3%).
DAU/MAU des sites & applications de 22 marques médias, septembre 2014
Sites | Applications | Applis mobile | Applis tablette | |
Presse Nationale généraliste* | 8,9% | 23,2% | 23,8% | 20,5% |
Presse Régionale généraliste** | 9,6% | 35,8% | 36,3% | 32,2% |
Médias spécialisés*** | 9,6% | 32,8% | 33,4% | 26,7% |
Source : Baromètres OJD
* Echantillon presse nationale généraliste : Le Figaro, Le Monde, Le Point, L’Express, Le Parisien, Libération, L’Obs, Metronews, 20 Minutes
** Echantillon presse régionale généraliste : La Dépêche, Midi Libre, Ouest France, Sud Ouest, Voix du Nord
*** Echantillon médias spécialisés : Closer, L’Equipe, Jeuxvideo.com, Public, Teleloisirs, Tele 7, Telestar, Voici
Dans l’univers des applications, on décèle des écarts selon la nature des marques médias qui n’existent pas dans l’univers des sites web : le ratio DAU/MAU des applications des marques de presse régionale atteint 36% alors que celui des marques de presse nationale n’est que de 23%. Autre enseignement sur les usages : les applications tablettes semblent aujourd’hui moins efficaces à créer de l’engagement par rapport aux applications mobiles quelque soit la nature de la marque média (leur ratio DAU/MAU est 10% inférieur).
Une analyse par acteur montre la capacité de l’information locale, « People », sportive et TV à générer une grande récurrence d’usages pour les applications.
DAU/MAU par marque média, septembre 2014
App mobile | App tablette | |
Public | 42,6% | 28,9% |
La Dépêche | 40,9% | 35,7% |
L’Equipe | 39,5% | 35,0% |
Midi Libre | 38,7% | 32,0% |
Sud Ouest | 36,8% | 31,5% |
moyenne Actualités Régionales | 36,3% | 32,2% |
Closer | 35,4% | 29,6% |
Ouest France | 34,8% | 34,8% |
Voici | 34,4% | nd |
moyenne Médias Spécialisés | 33,4% | 26,7% |
Le Parisien | 32,1% | 15,4% |
Tele Loisirs | 31,9% | 25,0% |
Jeux Video.com | 31,1% | 19,3% |
La Voix du Nord | 30,5% | nd |
L’Express | 29,0% | 19,5% |
Tele 7 Jours | 28,5% | 27,1% |
LePoint | 26,1% | 23,7% |
20minutes | 25,8% | 21,0% |
Metronews | 24,5% | 25,6% |
Telestar | 24,3% | 20,9% |
Le Monde | 24,0% | 19,7% |
moyenne Actualités Nationales | 23,8% | 20,5% |
Le Figaro | 22,6% | 25,6% |
Libération | 16,8% | 21,0% |
Le Nouvel Observateur | 15,8% | nd |
Source : Baromètres OJD
Cette capacité des applications/mobiles à créer de la récurrence d’usages pour les marques médias n’est pas nouvelle. Dès 2011, certains groupes médias avaient identifié ce phénomène :
« Le mobile permet notamment de recruter des visiteurs plus fidèles que sur le Web, où un site est en compétition permanente avec les autres. Lorsqu’une personne achète un smartphone, elle a tendance à télécharger beaucoup d’applications qu’elle n’utilisera probablement pas, ce qui la pousse à un moment où à un autre à faire le ménage et entraîne pour les éditeurs un taux d’attrition assez fort. Mais si votre application demeure après ce ménage, vous êtes à peu près sûr de gagner un utilisateur fidèle. »
Selon cette analyse à confirmer, il semble que, pour les marques médias, l’écosystème des applications soit intrinsèquement plus favorable à l’engagement et à la fidélité que l’écosystème web. Trois raisons peuvent être avancées :
- Une plus grande facilité d’accès avec le système d’exploitation comme point de contact avec la marque, ce qui élimine deux intermédiaires majeurs du web que sont le navigateur et le moteur de recherche;
- Une expérience utilisateur logicielle adaptée au terminal plus satisfaisante pour les consommateurs (consultation en mode déconnecté, utilisation de la géolocalisation, de l’appareil photo…) ;
- Une animation des audiences plus fluide et sans rupture de canal avec les push notifications et les widgets.
Meilleure expérience, meilleure relation marque-client, accès facilité : autant d’éléments à prendre en compte dans un monde d’objets connectés où le smartphone sera au centre des interactions avec une constellation d’applications distribuées sur différents appareils.